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Libération
Le portrait

Stéphane Séjourné, en marche à l’ombre

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Stratège et discret, le patron du parti présidentiel Renaissance vise une réélection à la tête du groupe libéral au Parlement européen en juin.
publié le 23 novembre 2023 à 15h51

Nous l’avions rencontré il y a juste cinq ans. Conseiller d’Emmanuel Macron, il annonçait à Libération sa nouvelle promotion : directeur de campagne pour les élections européennes de juin 2019. On l’avait trouvé timide et peu bavard. Un quinquennat plus tard, Stéphane Séjourné a monté pas mal de marches. Numéro un du parti Renaissance, il est aussi président du groupe centriste-libéral Renew au Parlement européen. Deux jours à Paris, trois jours à Bruxelles, plus une capitale de l’Union européenne (UE) chaque week-end : cette double vie politique ne laisse guère de place à d’autres réjouissances. Il s’offre tout de même des séries, la dernière saison de The Crown qu’il attendait avec impatience, parfois même du théâtre, Vincent Dedienne dans Labiche le mois dernier. Pièce maîtresse de la macronie, il est le «candidat naturel» pour conduire la liste de la majorité aux européennes 2024. D’autres noms circulent, la décision sera prise en janvier. Séjourné la joue serein : «S’il y a mieux que moi, ça me va très bien.»

Il nous reçoit dans son vaste bureau parisien, au dernier étage du siège du parti. Le Sacré-Cœur scintille au nord, la tour Eiffel au sud. Unique décor : un grand portrait de Simone Veil, sa prédécesseuse à la tête d’un eurogroupe libéral. Au début de cette soirée, il présidait le bureau exécutif de Renaissance. A l’ordre du jour : comment déjouer les pronostics qui donnent la liste Rassemblement national largement en tête ? Il assure que rien n’est perdu. A 38 ans, dont presque une vingtaine en politique, Séjourné s’est forgé une solide réputation de stratège. Qualité qui n’efface pas un sérieux handicap. «Stéphane n’imprime pas», se désolent ses supporteurs.

Il a grandi dans une famille de la classe moyenne : racines béarnaises, mère standardiste, père ingénieur Telecom. Quand s’est présentée pour le père l’opportunité d’un emploi au Mexique, la famille a quitté sans regret son pavillon des Yvelines. Deux autres mutations suivront, Madrid puis Buenos Aires, de sorte que le jeune Stéphane fera, jusqu’au bac, toute sa scolarité à l’étranger. Vingt ans après, il savoure à Bruxelles les occasions qui lui sont offertes d’animer des réunions ou de donner des interviews en espagnol. On le découvre bien plus décontracté que quand il s’exprime en français. Enfant dyslexique, il reste mal à l’aise avec la prise de parole. Sa première conférence de presse lui a laissé un souvenir désastreux. Lors de la présentation de la liste macroniste en mars 2019, il avait écorché plusieurs noms de colistiers.

A la fac de droit de Poitiers, il s’était imposé parmi les animateurs de la mobilisation de 2006 contre le contrat première embauche. Ce mouvement sera le ciment de la fameuse «bande de Poitiers». Poussés par Séjourné, quatre d’entre eux deviendront députés en 2017. Il choisit, lui, de rester en coulisses. Jouer des coudes pour se glisser au premier rang, il ne sait pas faire. Dans le petit cercle des premiers compagnons de route – la poignée de «mormons» installés à l’Elysée en mai 2017 –, il était le plus effacé. Il est, aujourd’hui, le seul en activité dans le camp présidentiel. Les autres sont passés à autre chose.

Cette figure sage et discrète cacherait un stratège hors pair. Quand il passe au service du ministre de l’Economie Macron en octobre 2014, le jeune strauss-kahnien a derrière lui une bonne décennie de militantisme dont deux ans au service de l’ancien président socialiste de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon. «Loyal, carré, pragmatique», ce dernier ne tarit pas d’éloges.

«Transactionnel», c’est ainsi que le qualifie le chef de l’Etat. «Steph», comme on dit à l’Elysée, est un bon négociateur. Au Parlement européen où tout est affaire de compromis, il donne la mesure de ce talent. Un job «adapté à mon tempérament», confirme-t-il. Pas simple. Le groupe qu’il préside, avec ses vingt-quatre délégations de nationalités différentes, parle rarement d’une seule voix. Entre libéraux franchement de droite et centristes légèrement à gauche, la cohabitation n’est pas évidente. Elle peut même devenir très houleuse, comme ce jour où il fut question d’exclure une élue suédoise parce que son parti avait fait alliance, à Stockholm, avec l’extrême droite. Séjourné n’avait pas obtenu son exclusion, au grand regret de l’eurodéputé Pascal Durand qui a aussitôt quitté le groupe. Tout en saluant un président «toujours respectueux», Durand lui reproche de «fuir le conflit et le rapport de force». Sa collègue Valérie Hayer estime, elle, qu’en décidant de ne plus inviter le parti suédois aux réunions de Renew, Séjourné avait néanmoins préservé «le cordon sanitaire». Elle salue, chez son collègue et ami, «un mélange rare d’efficacité et d’humilité dans l’exercice du leadership».

Il y a pris goût et souhaite, par-dessus tout, être reconduit à ce poste. Il aurait donc deux campagnes à mener : l’une auprès des électeurs français s’il prend la tête de liste Renaissance, l’autre partout dans l’UE pour garder la confiance des futurs élus du groupe Renew. Jusque dans l’entourage du chef de l’Etat, certains ne cachent pas leur scepticisme. Tiendra-t-il le choc face aux assauts de Jordan Bardella, cet impeccable produit du media training, redoutable de culot et de mauvaise foi ? «Il va se faire bouffer», entend-on à Bruxelles. Séjourné veut les rassurer : «Moi je le côtoie, je sais ce qu’il vaut. Il ne m’impressionne pas du tout.»

Forcément, on l’interroge sur Gabriel Attal, son «conjoint» selon sa fiche Wikipédia, pas forcément à jour. L’histoire des deux marcheurs pacsés est de notoriété publique, depuis leur rencontre en 2015 jusqu’à leur séparation supposée cette année. Il ne confirme ni ne dément rien : «Les responsables politiques doivent être jugés pour ce qu’ils font.» Outé en 2019 par l’avocat Juan Branco, harceleur obsessionnel d’Attal, Séjourné a très mal pris, deux ans plus tard, l’enquête du Monde sur son couple «au cœur du pouvoir». Cette enquête l’a tellement contrarié qu’il refuse, depuis, de parler au Monde. Il n’en démord pas : sa vie privée doit rester privée. Il peut concevoir que la nécessité de s’exposer s’impose, «quand on veut se faire élire président de la République. Mais à mon niveau de responsabilité, je ne vois pas l’intérêt». Il se trouve que Gabriel Attal venait de se répandre en confessions intimes, sur TF1, la veille de notre rencontre. Les deux hommes ne jouent pas dans la même cour. Séjourné insiste : «La notoriété n’est pas mon moteur, mon ambition n’est pas d’être connu.» Il y aura une vie après la vie politique. En attendant, il savoure son agenda surchargé, ses tête-à-tête avec les dirigeants et diplomates, européens ou autres. Il voit régulièrement la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Il préside des réunions avec les chefs de gouvernements ou de partis. Récemment, Nicolas Sarkozy l’a prié de passer le voir. «C’était instructif», résume-t-il dans un large sourire. Il se dit qu’il a «de la chance» d’échanger avec ces personnalités qui lui paraissaient «inaccessibles». Et il comprend mal les responsables politiques qui «jouent les blasés, comme si tout cela était naturel». Lui, il ne s’y fait pas.

26 mars 1985 Naissance à Versailles (Yvelines).

2014 Recruté par Macron.

2021 Président du groupe Renew.

2022 Secrétaire général de Renaissance.

Juin 2024 Elections européennes.

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